Here comes, Gabriel !
Nov. 26th, 2009 02:45 pm![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
Un très beau cadeau de Noël
Genre(s) : Boy's love
Rating : K+
Thème : #27 Veille de Noël
Commu' :
30_originaux
Nombre de mots : 3391
Notes de l’auteur : suite de l'histoire de Zacharie THOMAS. Se passe 4 ou 5 ans après "Premier amour". Il n'est alors plus avec Paul. Évocation de Théo ( "Pour un simple sourire" ).
J'aurais pu attendre Noël pour poster ce texte, mais comme il permet d'introduire Gabriel ♥ qui est le principal protagoniste du prochain thème que je devrais poster ( normalement ), je préfère le mettre maintenant ( déjà que je ne publie pas dans l'ordre chronologique... ).
Résumé de l’histoire : Et si contrairement à ce qu'il pensait, Zac avait droit à un peu de bonheur ? Et si le Père Noël existait et qu'il avait l'apparence d'un beau jeune homme ? Et si on offrait à Zac tout ce qu'il avait toujours voulu avoir ?
Noël.
Durant des années, j'ai détesté cette soi-disant fête de famille. Comment aurait-il pu en être autrement ? Je n'ai pas connu mes parents qui m'ont abandonné à la naissance ; ils n'ont pas supporté ma "petite" particularité. J'entends par là que je suis né albinos. Apparemment, mes géniteurs étaient des bigots qui pensaient que ma maladie faisait de moi un enfant du diable. Quelle connerie !
Résultat, j'ai passé les dix-huit premières années de ma vie, ballotté de foyer en foyer, ne recevant jamais la moindre marque d'affection.
Sans exagérer, ma vie dans ces lieux a été un véritable enfer. Les éducateurs avaient, pour la majorité, le même mode de pensées que mes parents et passaient le plus clair de leur temps à m'humilier et me punir pour les bêtises des autres enfants. Ces derniers n'étaient pas mieux ; bien au contraire. Ils ne s'approchaient que très rarement de moi ; il semble que je leur faisais peur. Et quand ils daignaient remarquer ma présence, c'était pour me martyriser. Le passe-temps favori de ces quelques gamins était de me trouver des surnoms tous plus méchants les uns que les autres ; ça allait de 'Grand-père', à cause de mes cheveux quasiment blancs, au 'monstre'.
Au début, jusqu'à environ mes huit ans, je me laissais faire, n'osant pas réagir mais j'ai fini par ne plus vouloir être un souffre-douleur. Alors j'ai commencé à me battre avec les autres à la moindre remarque. Évidemment, ce qui devait arriver arriva, je me suis frotté à beaucoup plus fort que moi et me suis retrouvé à l'hôpital avec plusieurs fractures. Là-bas, j'ai réfléchi à ma situation et décidé qu'il valait mieux, pour mon propre bien, que je cesse de répondre aux attaques. C'est à partir de ce jour, que j'ai construit une carapace protectrice autour de moi ; je ne voulais plus être atteint par quoi que ce soit. Les autres ont alors compris que cela ne servait plus à rien de me harceler, que leurs insultes me passaient par-dessus la tête. J'avais quatorze ans et je connaissais enfin un semblant de tranquillité.
Mais c'était trop beau pour durer. Ma tranquillité ne dura que quelques mois. En effet, un soir alors que je sortais du lycée, un des rares garçons du foyer à fréquenter le même établissement que moi m'a surpris en train d'embrasser mon petit-ami de l'époque, Paul. Bien sûr, il s'est empressé de faire circuler l'information. Et l'enfer a repris de plus belle, et ce, durant les trois années qui me séparaient de ma majorité. Laquelle majorité fut accueillie comme une délivrance car elle signifiait pour moi la liberté le plus loin possible du foyer.
Oh, j'oubliais, je vous raconte ma vie alors que je ne me suis pas encore présenté, il faut que je remédie à cela : "Bonjour, je suis Zacharie, vingt-et-un ans, orphelin - si je puis dire -, albinos et gay". Quel joli portrait, vous ne trouvez pas ? Simple et concis.
Mais je me suis un peu égaré. Donc, je disais : Noël.
C'est bien la première fois que je suis heureux de le fêter. C'est aussi la première fois que je suis avec quelqu'un que j'aime, ce jour-là. Bien que ça ait failli ne jamais arriver.
Tout a commencé l'année dernière jour pour jour, le vingt-quatre décembre précisément. Je me préparais à passer le réveillon avec une bouteille de whisky pour seule compagnie. J'errais dans les rues de la ville, anonyme parmi les anonymes, sans but précis, juste pour passer le temps. Au détour d'une rue, mon regard fut attiré par la devanture d'une librairie qui vendait le dernier roman de Théo Scarful, mon auteur fétiche. Je m'empressai d'y entrer pour en acheter un exemplaire. Au moins, j'aurais quelque chose à faire de ma soirée.
Travaillant moi-même chez un bouquiniste, j'aimais énormément me balader entre les rayonnages. Je profitais de la présence apaisante des livres quand j'entendis des éclats de voix derrière moi. C'était un homme et une femme, tous deux âgés d'une vingtaine d'années, vingt-cinq au maximum.
-Non, Carmen. Ne compte pas sur moi.
-Mais pourquoi ?
-Je ne veux pas passer le réveillon avec nos parents. Dois-je te rappeler qu'ils m'ont mis dehors quand je leur ai dit que…
-Je sais ! Mais ils étaient sous le coup du choc. Ils sont revenus sur leur jugement depuis.
-Alors pourquoi ce ne sont pas eux qui me demandent de venir fêter le réveillon avec eux ? De toute façon, ce n'est pas grave, j'ai déjà quelque chose de prévu.
Je continuais à feuilleter quelques livres, songeant qu'un deuxième ouvrage serait le bienvenu pour cette longue soirée.
-Ah oui ? Et je peux savoir quoi ?
-Bien sûr, sœurette. Je passe la soirée avec mon petit-ami.
-Tu ne m'avais pas dit que tu avais quelqu'un.
-Et bien tu le sais maintenant. D'ailleurs, je vais te le présenter.
J'avais enfin trouvé un autre livre qui me semblait intéressant et j'allais pour payer mes achats quand je sentis une main se poser sur mon épaule. Je me retournai et m'aperçus que c'était l'homme qui se disputait avec sa sœur.
-Oui ?
Il se pencha vers moi et chuchota à mon oreille :
-S'il vous plaît, jouez le jeu, vous me sauverez la vie.
Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire et son attitude me déplaisait au plus haut point.
-Et qu'attendez-vous de moi ?, demandais-je sèchement.
-Que vous vous fassiez passer pour mon petit-ami auprès de ma sœur.
-Quoi ? Pas question !
-Pourquoi pas ? Vous êtes homophobe ?
Moi, homophobe ? J'éclatai de rire sous l'œil réprobateur du libraire.
-Pas vraiment, non....
-Alors pourquoi refusez-vous ?
-Parce que je n'ai pas envie de me prêtez à cette mascarade !
-Quel est votre prénom ?
-Zacharie, pourquoi ?, demandais-je, surpris par son brusque changement de sujet.
-Enchanté. Je suis Gabriel.
Je ne répondis pas et me contentai de grogner. J'étais vraiment agacé par cet homme. Moi qui n'aspirais qu'à un peu de tranquillité, il me fallait supporter cet individu insistant. J'essayai de m'en aller mais il m'avait attrapé le bras et ne semblait pas vouloir le lâcher. Bien sûr, j'aurais pu lui crier de me laisser tranquille, mais allez savoir pourquoi, je ne le fis pas et me contentai de souffler en lui lançant un regard noir.
-Alors, c'est lui ton petit-ami, Gaby ?
-Oui. Carmen, je te présente Zacharie. Zac, voici Carmen, ma sœur.
Et en plus, il avait le culot de m'appeler Zac. On avait pas garder les cochons ensemble à ce que je sache. C'était décidé, je détestais ce type.
-Enchantée de vous rencontrer.
Bon, elle n'y était pour rien, alors je tentai d'être agréable avec elle.
-Moi aussi.
-Si nous allions boire un verre tous les trois ?, proposa Carmen. J'aimerai beaucoup que nous fassions plus amplement connaissance.
Bizarrement, la jeune femme me devint tout à coup beaucoup moins innocente dans toute cette affaire.
-Et bien, c'est que…
-Allez, mon chéri, juste un quart d'heure, m'interrompit Gabriel.
J'ai crû que j'allai l'étrangler pour avoir osé m'appeler de cette manière. Mais mon instinct me dit de ne rien en faire et je me contentai donc de bougonner un peu.
-Ne m'appelle pas comme "mon chéri", je déteste ça.
-D'accord, mon chou, rit-il.
Je m'énervais de plus en plus et lui, ça le faisait rire. Heureusement que j'avais des années de pratique concernant les moqueries, sinon je l'aurais assommé immédiatement avant de piétiner son corps jusqu'à ce qu'il rende son dernier souffle.
-Bien allons-y alors. Mais pas trop longtemps, j'ai à faire, dis-je sans réfléchir aux mots qui s'échappaient de ma traître de bouche.
J'allai régler mes achats tandis que le frère et la sœur allaient m'attendre dehors, où je les rejoignit près avoir manqué renverser un homme – visiblement d'origine japonaise - qui parlait au téléphone, d'ascenseur bloqué pendant des heures en riant. Les gens sont vraiment étranges parfois.
Et c'est comme ça que je me retrouvai assis dans un café, presque collé à un homme que je détestais et qui, soit dit en passant, en profitait pour me caresser la cuisse, pendant que sa sœur me harcelait de questions sur ma vie, mon travail, mes passions. Puis vint la question sur notre rencontre. Question à laquelle je ne savais que répondre. Aussi, décidais-je de laisser répondre Gabriel; après tout, c'était de sa faute si nous en étions là, à lui de se débrouiller.
-Et bien, c'est tout bête. Tu te rappelles de l'exemplaire original des Illuminations que je t'ai offert pour ton anniversaire ? Je tenait absolument à t'acheter un livre ancien mais je ne trouvais rien qui pourrait te plaire. J'ai dû faire une dizaine de bouquinistes. J'ai fini par trouver ce que je voulais dans une petite boutique où travaillait un très beau jeune homme. Zacharie. Je suis tombé amoureux de lui au premier regard. Je n'ai pas hésité une seconde et je l'ai invité à dîner le soir même. Ce qu'il a refusé. Mais tu me connais, quand je veux quelque chose - ou quelqu'un - rien ne peut m'arrêter, alors chaque jour, je retournais à la petite librairie et je lui redemandais de dîner avec moi. Il m'a fallut trois semaines pour réussir à lui faire accepter mon invitation. Et à partir de ce jour-là, tout s'est vite enchaîné. Puis, une chose en entraînant une autre, nous avons fini par sortir ensemble.
-Mais… Mon anniversaire est fin avril. Ce qui veut dire que vous êtes ensemble depuis…
-Bientôt huit mois.
Carmen semblait plus que surprise, et, se retournant vers moi, elle dit :
-Zacharie, je me demande comment vous avez fait pour rester avec lui jusqu'à maintenant. Ces anciens petits amis n'ont pas pu le supporter plus de deux mois.
Je me contentai de hausser les épaules, ne sachant que répondre; à vrai dire, je me demandais plutôt comment ils avaient fait pour ne pas le laisser tomber au bout d'une heure.
-Carmen !, grogna-t-il tandis que sa sœur se moquait gentiment de lui.
-N'est-il pas mignon notre petit Gaby quand il boude comme un bébé ?
-Si, très, répondis-je sans réfléchir.
De toute façon, même si je l'avais fait, je n'aurais pas donné une autre réponse. En fait, j'aurais carrément ajouté qu'il était magnifique. J'étais d'ailleurs étonné de ne pas avoir remarqué plus tôt à quel point il était beau. Gabriel me regarda alors avec le plus beau sourire qu'il ne m'ait été donné de voir. Gêné, je baissais les yeux et préférai regarder l'heure ; cela faisait plus d'une heure que nous étions en train de parler alors que j'avais dit que je ne voulais pas rester plus d'un quart d'heure.
-Bon, je vais y aller. Carmen, j'ai été heureux de faire votre connaissance.
-Il faut vraiment que vous partiez déjà ?
-Oui, j'ai à faire.
-Je t'accompagne, déclara alors Gabriel.
-Non, ce n'est pas la peine.
-Mais si, insista-t-il.
Et avant que j'aie pu protester, il me suivait en dehors du bar.
-Pourquoi me suivez-vous ?
-On ne se tutoie plus ?
-Vous savez très bien que c'était juste pour votre petit numéro à votre sœur. Alors ? Pourquoi me suivez-vous ?
-J'ai dit à Carmen que je passais la soirée avec toi.
-Et alors, qu'est-ce que ça peut bien me faire ? Elle ne va pas vérifier si nous restons ensemble ou non.
-Dîne avec moi ce soir et je te laisse en paix.
-Non.
-Alors je viendrai tous les jours à ta boutique.
Bien sûr, il savait où je travaillais, Carmen me l'avait demandé ; c'est d'ailleurs comme ça qu'il avait rendu l'histoire de notre « rencontre » crédible. Alors que faire ? Le supporter une soirée entière ou devoir subir sa présence chaque jour à la librairie ? La réponse ne fut pas bien longue à trouver.
-Bon, d'accord. Mais seulement ce soir. De toute façon, je n'ai rien de mieux à faire.
-Génial ! J'ai hâte de voir où tu habites.
-Parce qu'en plus on doit aller chez moi ?
-Oui. J'habite un tout petit appartement en collocation avec un ami et il y passe le réveillon avec sa petite-amie. Mais je promets de faire à manger. Sans me vanter, je suis un très bon cuisinier.
Effectivement, il ne s'était pas vanté. Deux heures plus tard, nous étions tous deux en train de déguster un délicieux repas préparé par ses soins. Je ne me rappelle pas avoir aussi bien mangé auparavant. À mon grand étonnement, la soirée fut très agréable et Gabriel n'était pas de si mauvaise compagnie quand on passait outre son impertinence. Il était même très sympathique; si bien que je regrettais que ce soit notre seule soirée mais mon orgueil mal placé me poussait à me taire. Je le laissai donc partir sans demander à le revoir mais je ne l'empêchai pas de me voler un baiser sur le pas de la porte.
Les deux semaines qui suivirent cette soirée furent les plus longues de toute ma vie. Quand j'étais chez moi, je restais assis dans mon canapé sans rien faire si ce n'était m'invectiver pour ma stupidité ou repenser au baiser de Gabriel qui m'avait beaucoup plus touché qu'il n'aurait dû. Je me demandais sans cesse comment un simple effleurement avait pu m'envoûter à ce point. Je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à cette paire de lèvres se posant délicatement sur les miennes. Ça tournait à l'obsession; une seule pensée circulait dans mon cerveau : revoir Gabriel. Les livres de Théo Scarful, qui avaient été jusque là un pour moi un moyen de m'évader, ne m'étaient d'aucune aide étant donné que mon manque de concentration m'empêchait de dépasser la page douze. Je laissai donc ma dernière acquisition sur ma table basse. Et la situation n'était pas meilleure lorsque je me retrouvais à la librairie; le patron passait son temps à me rappeler à l'ordre et les clients se plaignaient de mon manque d'enthousiasme à les renseigner.
Un jour, alors que je rangeais des livres sur les rayonnages, une main se posa sur mon épaule :
-S'il vous plaît, jouez le jeu, vous me sauverez la vie.
Je me retournai aussitôt.
-Gabriel !
-Je suis content de voir que tu ne m'envoies pas promener.
-Je devrais pourtant. Tu avais promis de me laisser tranquille après la soirée du réveillon.
-Tu veux que je parte ?
-Non.
-Tant mieux, parce que j'avais vraiment envie de te revoir. Et tu dînes avec moi ce soir.
-Je n'ai pas le choix si je comprends bien.
-C'est ça. Chez toi à dix-neuf heures, ça te va ?
-C'est pas un peu tôt ?
-Non. Si je veux avoir le temps de préparer le repas avant demain matin, il vaut mieux que je ne vienne pas trop tard.
-Parce qu'on reste chez moi ? Évidemment... Je ne sais même pas pourquoi je pose la question. Tu ne me demandes pas si ça me dérange que tu viennes squatter ma cuisine ?
-Ça te gêne ?
-Oui. On ne vient pas chez les gens sans y avoir été invité.
-Alors invite-moi.
À cet instant, j'avais vraiment envie de refuser, mais la façon dont il me regardait m'empêchait de lui interdire quoi que ce soit.
-Bon, d'accord. Mais la prochaine fois, demande la permission avant d'imposer ta volonté.
-Il y aura donc une prochaine fois. Tu m'en vois ravi.
-Je ne parlais pas forcément de moi. Mais il faudrait vraiment que tu apprennes les bonnes manières.
-Je me moque de ce que tu as voulu dire, je préfère ce que j'ai voulu entendre.
-J'avais compris, merci. Et maintenant, si ça ne te dérange pas, j'aimerais pouvoir travailler.
-Alors à ce soir, Zac.
Ce soir-là, à dix-huit heures, je tournais en rond dans mon appartement attendant que la sonnette résonne. Pour une raison que j'ignorais - ou que je feignais d'ignorer plutôt - je m'étais habillé avec soin, choisissant les vêtements les plus élégants de ma garde-robe, me changeant plusieurs fois n'étant pas satisfait de ma tenue. Je me donnais l'impression d'être une de ces adolescentes stressées par leur premier rendez-vous. Quand la sonnette retentit enfin, je sautai littéralement sur la porte et l'ouvris vivement, comme si j'essayais de l'arracher de ses gonds.
-Étais-tu si impatient de me voir ?
-Non.
-Menteur.
-Je…
-Tu me laisses entrer ou est-ce que je passe la nuit sur le pas de la porte ?
-Oh, excuse-moi. Vas-y entre.
-Merci.
Une demi-heure plus tard, nous étions tous les deux en train de préparer le repas dans ma toute petite cuisine. La pièce était si étroite que nous ne pouvions pas esquisser un mouvement sans nous frôler. Mais ça ne me dérangeait aucunement. Au contraire. Il avait beau être insupportable, il m'attirait irrémédiablement.
-Tu peux me passer le pot de piment, s'il te plaît ?
-Quoi ?
-Le piment, s'il te plaît.
-Oh… Tiens.
-Merci.
J'ai toujours aimé cuisiner, mais le faire en compagnie de Gabriel était beaucoup plus agréable que quand je le faisais seul. Et le voir plonger son doigt dans la sauce et le porter à sa bouche pour le lécher me semblait érotique au possible.
-Tu as de la sauce au bord de la bouche.
-Où ?
-Attends, je vais te l'enlever.
Je ne réfléchis pas à ce que je faisais sur l'instant et me penchai vers lui pour effacer le reste de sauce d'un coup de langue.
-Zac…
-Chut, ne dis rien sinon je risque de changer d'avis.
-Qu'est-ce que…
Je ne le laisserai pas finir sa question et m'empressai de goûter ses lèvres sur lesquelles s'attardait le piment de la sauce.
***
Voilà près d'un an que je partage la vie de cet homme insupportable qu'est Gabriel. Étonnamment, c'est le fait qu'il puisse être vraiment pénible qui le rend aussi attirant à mes yeux. J'adore ses taquineries, qui bien qu'agaçantes, ne sont jamais méchantes. Je suis heureux qu'il soit aussi têtu qu'une mule, car sans ça, nous ne serions pas ensemble.
Nous avons emménagé ensemble il y a quatre mois dans un bel appartement doté d'une grande cuisine où les talents culinaires de mon compagnon peuvent s'exprimer librement. Je prends toujours beaucoup de plaisir à le regarder s'agiter au milieu des casseroles et autres marmites quand il cuisine les bons petits plats dont il a le secret.
D'ailleurs, à l'heure où j'écris ces mots, il prépare le dîner pour le Réveillon ; dîner qu'il m'a annoncé comme le meilleur repas de ma vie. Ce dont je ne doute pas; Gabriel est le plus talentueux cuisinier que je connaisse. Pour preuve, il exerce comme second dans le restaurant deux étoiles de son oncle alors qu'il n'a jamais étudié la cuisine.
C'est une chose dont je suis assez fier étant donné que c'est en partie grâce à moi s'il travaille avec son oncle. À moi et à Carmen sans qui je n'aurais rien pu faire. Ça n'a pas été simple de convaincre de se rapprocher du seul membre de sa famille - hormis sa sœur, bien entendu - à ne pas être complètement braqué au sujet de son homosexualité. Mais nos efforts ont porté leurs fruits et finalement, ils se sont reparlés après deux ans de silence.
Le rapprochement entre Gaby et sa famille est même allé beaucoup plus loin que nous n'avions osé l'imaginer. Ainsi, mon compagnon a accepté de parler avec ses parents et contrairement à ce qu'il croyait avant leur discussion, ceux-là n'étaient pas vraiment hostiles au fait que leur unique fils préfère les hommes. Bien sûr, ils avaient très mal pris l'annonce de son homosexualité et son père lui avait demandé de sortir de chez eux. Mais ils avaient compris qu'être gay ne faisait pas de leur enfant un être immoral malgré ce qu'on leur avait appris durant leur jeunesse. Il faut dire qu'à l'époque, ils vivaient dans une Espagne dirigée par les franquistes, peu réputés pour leur ouverture d'esprit. Finalement, ce qui les dérangeait le plus - et qui les dérange encore - c'était de savoir que Gabriel ne sera jamais père ; mais il y a Carmen pour leur donner des petits-enfants. La seule chose qu'il leur fallait, c'était du temps pour accepter la situation.
Moi qui ai toujours été seul, je ne le suis plus. Désormais, j'ai Gaby. J'ai enfin une famille.
Que pourrais-je rêver de mieux ? Rien, à part la promesse de nombreux autres Noël ensemble.
Genre(s) : Boy's love
Rating : K+
Thème : #27 Veille de Noël
Commu' :
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Nombre de mots : 3391
Notes de l’auteur : suite de l'histoire de Zacharie THOMAS. Se passe 4 ou 5 ans après "Premier amour". Il n'est alors plus avec Paul. Évocation de Théo ( "Pour un simple sourire" ).
J'aurais pu attendre Noël pour poster ce texte, mais comme il permet d'introduire Gabriel ♥ qui est le principal protagoniste du prochain thème que je devrais poster ( normalement ), je préfère le mettre maintenant ( déjà que je ne publie pas dans l'ordre chronologique... ).
Résumé de l’histoire : Et si contrairement à ce qu'il pensait, Zac avait droit à un peu de bonheur ? Et si le Père Noël existait et qu'il avait l'apparence d'un beau jeune homme ? Et si on offrait à Zac tout ce qu'il avait toujours voulu avoir ?
Noël.
Durant des années, j'ai détesté cette soi-disant fête de famille. Comment aurait-il pu en être autrement ? Je n'ai pas connu mes parents qui m'ont abandonné à la naissance ; ils n'ont pas supporté ma "petite" particularité. J'entends par là que je suis né albinos. Apparemment, mes géniteurs étaient des bigots qui pensaient que ma maladie faisait de moi un enfant du diable. Quelle connerie !
Résultat, j'ai passé les dix-huit premières années de ma vie, ballotté de foyer en foyer, ne recevant jamais la moindre marque d'affection.
Sans exagérer, ma vie dans ces lieux a été un véritable enfer. Les éducateurs avaient, pour la majorité, le même mode de pensées que mes parents et passaient le plus clair de leur temps à m'humilier et me punir pour les bêtises des autres enfants. Ces derniers n'étaient pas mieux ; bien au contraire. Ils ne s'approchaient que très rarement de moi ; il semble que je leur faisais peur. Et quand ils daignaient remarquer ma présence, c'était pour me martyriser. Le passe-temps favori de ces quelques gamins était de me trouver des surnoms tous plus méchants les uns que les autres ; ça allait de 'Grand-père', à cause de mes cheveux quasiment blancs, au 'monstre'.
Au début, jusqu'à environ mes huit ans, je me laissais faire, n'osant pas réagir mais j'ai fini par ne plus vouloir être un souffre-douleur. Alors j'ai commencé à me battre avec les autres à la moindre remarque. Évidemment, ce qui devait arriver arriva, je me suis frotté à beaucoup plus fort que moi et me suis retrouvé à l'hôpital avec plusieurs fractures. Là-bas, j'ai réfléchi à ma situation et décidé qu'il valait mieux, pour mon propre bien, que je cesse de répondre aux attaques. C'est à partir de ce jour, que j'ai construit une carapace protectrice autour de moi ; je ne voulais plus être atteint par quoi que ce soit. Les autres ont alors compris que cela ne servait plus à rien de me harceler, que leurs insultes me passaient par-dessus la tête. J'avais quatorze ans et je connaissais enfin un semblant de tranquillité.
Mais c'était trop beau pour durer. Ma tranquillité ne dura que quelques mois. En effet, un soir alors que je sortais du lycée, un des rares garçons du foyer à fréquenter le même établissement que moi m'a surpris en train d'embrasser mon petit-ami de l'époque, Paul. Bien sûr, il s'est empressé de faire circuler l'information. Et l'enfer a repris de plus belle, et ce, durant les trois années qui me séparaient de ma majorité. Laquelle majorité fut accueillie comme une délivrance car elle signifiait pour moi la liberté le plus loin possible du foyer.
Oh, j'oubliais, je vous raconte ma vie alors que je ne me suis pas encore présenté, il faut que je remédie à cela : "Bonjour, je suis Zacharie, vingt-et-un ans, orphelin - si je puis dire -, albinos et gay". Quel joli portrait, vous ne trouvez pas ? Simple et concis.
Mais je me suis un peu égaré. Donc, je disais : Noël.
C'est bien la première fois que je suis heureux de le fêter. C'est aussi la première fois que je suis avec quelqu'un que j'aime, ce jour-là. Bien que ça ait failli ne jamais arriver.
Tout a commencé l'année dernière jour pour jour, le vingt-quatre décembre précisément. Je me préparais à passer le réveillon avec une bouteille de whisky pour seule compagnie. J'errais dans les rues de la ville, anonyme parmi les anonymes, sans but précis, juste pour passer le temps. Au détour d'une rue, mon regard fut attiré par la devanture d'une librairie qui vendait le dernier roman de Théo Scarful, mon auteur fétiche. Je m'empressai d'y entrer pour en acheter un exemplaire. Au moins, j'aurais quelque chose à faire de ma soirée.
Travaillant moi-même chez un bouquiniste, j'aimais énormément me balader entre les rayonnages. Je profitais de la présence apaisante des livres quand j'entendis des éclats de voix derrière moi. C'était un homme et une femme, tous deux âgés d'une vingtaine d'années, vingt-cinq au maximum.
-Non, Carmen. Ne compte pas sur moi.
-Mais pourquoi ?
-Je ne veux pas passer le réveillon avec nos parents. Dois-je te rappeler qu'ils m'ont mis dehors quand je leur ai dit que…
-Je sais ! Mais ils étaient sous le coup du choc. Ils sont revenus sur leur jugement depuis.
-Alors pourquoi ce ne sont pas eux qui me demandent de venir fêter le réveillon avec eux ? De toute façon, ce n'est pas grave, j'ai déjà quelque chose de prévu.
Je continuais à feuilleter quelques livres, songeant qu'un deuxième ouvrage serait le bienvenu pour cette longue soirée.
-Ah oui ? Et je peux savoir quoi ?
-Bien sûr, sœurette. Je passe la soirée avec mon petit-ami.
-Tu ne m'avais pas dit que tu avais quelqu'un.
-Et bien tu le sais maintenant. D'ailleurs, je vais te le présenter.
J'avais enfin trouvé un autre livre qui me semblait intéressant et j'allais pour payer mes achats quand je sentis une main se poser sur mon épaule. Je me retournai et m'aperçus que c'était l'homme qui se disputait avec sa sœur.
-Oui ?
Il se pencha vers moi et chuchota à mon oreille :
-S'il vous plaît, jouez le jeu, vous me sauverez la vie.
Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire et son attitude me déplaisait au plus haut point.
-Et qu'attendez-vous de moi ?, demandais-je sèchement.
-Que vous vous fassiez passer pour mon petit-ami auprès de ma sœur.
-Quoi ? Pas question !
-Pourquoi pas ? Vous êtes homophobe ?
Moi, homophobe ? J'éclatai de rire sous l'œil réprobateur du libraire.
-Pas vraiment, non....
-Alors pourquoi refusez-vous ?
-Parce que je n'ai pas envie de me prêtez à cette mascarade !
-Quel est votre prénom ?
-Zacharie, pourquoi ?, demandais-je, surpris par son brusque changement de sujet.
-Enchanté. Je suis Gabriel.
Je ne répondis pas et me contentai de grogner. J'étais vraiment agacé par cet homme. Moi qui n'aspirais qu'à un peu de tranquillité, il me fallait supporter cet individu insistant. J'essayai de m'en aller mais il m'avait attrapé le bras et ne semblait pas vouloir le lâcher. Bien sûr, j'aurais pu lui crier de me laisser tranquille, mais allez savoir pourquoi, je ne le fis pas et me contentai de souffler en lui lançant un regard noir.
-Alors, c'est lui ton petit-ami, Gaby ?
-Oui. Carmen, je te présente Zacharie. Zac, voici Carmen, ma sœur.
Et en plus, il avait le culot de m'appeler Zac. On avait pas garder les cochons ensemble à ce que je sache. C'était décidé, je détestais ce type.
-Enchantée de vous rencontrer.
Bon, elle n'y était pour rien, alors je tentai d'être agréable avec elle.
-Moi aussi.
-Si nous allions boire un verre tous les trois ?, proposa Carmen. J'aimerai beaucoup que nous fassions plus amplement connaissance.
Bizarrement, la jeune femme me devint tout à coup beaucoup moins innocente dans toute cette affaire.
-Et bien, c'est que…
-Allez, mon chéri, juste un quart d'heure, m'interrompit Gabriel.
J'ai crû que j'allai l'étrangler pour avoir osé m'appeler de cette manière. Mais mon instinct me dit de ne rien en faire et je me contentai donc de bougonner un peu.
-Ne m'appelle pas comme "mon chéri", je déteste ça.
-D'accord, mon chou, rit-il.
Je m'énervais de plus en plus et lui, ça le faisait rire. Heureusement que j'avais des années de pratique concernant les moqueries, sinon je l'aurais assommé immédiatement avant de piétiner son corps jusqu'à ce qu'il rende son dernier souffle.
-Bien allons-y alors. Mais pas trop longtemps, j'ai à faire, dis-je sans réfléchir aux mots qui s'échappaient de ma traître de bouche.
J'allai régler mes achats tandis que le frère et la sœur allaient m'attendre dehors, où je les rejoignit près avoir manqué renverser un homme – visiblement d'origine japonaise - qui parlait au téléphone, d'ascenseur bloqué pendant des heures en riant. Les gens sont vraiment étranges parfois.
Et c'est comme ça que je me retrouvai assis dans un café, presque collé à un homme que je détestais et qui, soit dit en passant, en profitait pour me caresser la cuisse, pendant que sa sœur me harcelait de questions sur ma vie, mon travail, mes passions. Puis vint la question sur notre rencontre. Question à laquelle je ne savais que répondre. Aussi, décidais-je de laisser répondre Gabriel; après tout, c'était de sa faute si nous en étions là, à lui de se débrouiller.
-Et bien, c'est tout bête. Tu te rappelles de l'exemplaire original des Illuminations que je t'ai offert pour ton anniversaire ? Je tenait absolument à t'acheter un livre ancien mais je ne trouvais rien qui pourrait te plaire. J'ai dû faire une dizaine de bouquinistes. J'ai fini par trouver ce que je voulais dans une petite boutique où travaillait un très beau jeune homme. Zacharie. Je suis tombé amoureux de lui au premier regard. Je n'ai pas hésité une seconde et je l'ai invité à dîner le soir même. Ce qu'il a refusé. Mais tu me connais, quand je veux quelque chose - ou quelqu'un - rien ne peut m'arrêter, alors chaque jour, je retournais à la petite librairie et je lui redemandais de dîner avec moi. Il m'a fallut trois semaines pour réussir à lui faire accepter mon invitation. Et à partir de ce jour-là, tout s'est vite enchaîné. Puis, une chose en entraînant une autre, nous avons fini par sortir ensemble.
-Mais… Mon anniversaire est fin avril. Ce qui veut dire que vous êtes ensemble depuis…
-Bientôt huit mois.
Carmen semblait plus que surprise, et, se retournant vers moi, elle dit :
-Zacharie, je me demande comment vous avez fait pour rester avec lui jusqu'à maintenant. Ces anciens petits amis n'ont pas pu le supporter plus de deux mois.
Je me contentai de hausser les épaules, ne sachant que répondre; à vrai dire, je me demandais plutôt comment ils avaient fait pour ne pas le laisser tomber au bout d'une heure.
-Carmen !, grogna-t-il tandis que sa sœur se moquait gentiment de lui.
-N'est-il pas mignon notre petit Gaby quand il boude comme un bébé ?
-Si, très, répondis-je sans réfléchir.
De toute façon, même si je l'avais fait, je n'aurais pas donné une autre réponse. En fait, j'aurais carrément ajouté qu'il était magnifique. J'étais d'ailleurs étonné de ne pas avoir remarqué plus tôt à quel point il était beau. Gabriel me regarda alors avec le plus beau sourire qu'il ne m'ait été donné de voir. Gêné, je baissais les yeux et préférai regarder l'heure ; cela faisait plus d'une heure que nous étions en train de parler alors que j'avais dit que je ne voulais pas rester plus d'un quart d'heure.
-Bon, je vais y aller. Carmen, j'ai été heureux de faire votre connaissance.
-Il faut vraiment que vous partiez déjà ?
-Oui, j'ai à faire.
-Je t'accompagne, déclara alors Gabriel.
-Non, ce n'est pas la peine.
-Mais si, insista-t-il.
Et avant que j'aie pu protester, il me suivait en dehors du bar.
-Pourquoi me suivez-vous ?
-On ne se tutoie plus ?
-Vous savez très bien que c'était juste pour votre petit numéro à votre sœur. Alors ? Pourquoi me suivez-vous ?
-J'ai dit à Carmen que je passais la soirée avec toi.
-Et alors, qu'est-ce que ça peut bien me faire ? Elle ne va pas vérifier si nous restons ensemble ou non.
-Dîne avec moi ce soir et je te laisse en paix.
-Non.
-Alors je viendrai tous les jours à ta boutique.
Bien sûr, il savait où je travaillais, Carmen me l'avait demandé ; c'est d'ailleurs comme ça qu'il avait rendu l'histoire de notre « rencontre » crédible. Alors que faire ? Le supporter une soirée entière ou devoir subir sa présence chaque jour à la librairie ? La réponse ne fut pas bien longue à trouver.
-Bon, d'accord. Mais seulement ce soir. De toute façon, je n'ai rien de mieux à faire.
-Génial ! J'ai hâte de voir où tu habites.
-Parce qu'en plus on doit aller chez moi ?
-Oui. J'habite un tout petit appartement en collocation avec un ami et il y passe le réveillon avec sa petite-amie. Mais je promets de faire à manger. Sans me vanter, je suis un très bon cuisinier.
Effectivement, il ne s'était pas vanté. Deux heures plus tard, nous étions tous deux en train de déguster un délicieux repas préparé par ses soins. Je ne me rappelle pas avoir aussi bien mangé auparavant. À mon grand étonnement, la soirée fut très agréable et Gabriel n'était pas de si mauvaise compagnie quand on passait outre son impertinence. Il était même très sympathique; si bien que je regrettais que ce soit notre seule soirée mais mon orgueil mal placé me poussait à me taire. Je le laissai donc partir sans demander à le revoir mais je ne l'empêchai pas de me voler un baiser sur le pas de la porte.
Les deux semaines qui suivirent cette soirée furent les plus longues de toute ma vie. Quand j'étais chez moi, je restais assis dans mon canapé sans rien faire si ce n'était m'invectiver pour ma stupidité ou repenser au baiser de Gabriel qui m'avait beaucoup plus touché qu'il n'aurait dû. Je me demandais sans cesse comment un simple effleurement avait pu m'envoûter à ce point. Je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à cette paire de lèvres se posant délicatement sur les miennes. Ça tournait à l'obsession; une seule pensée circulait dans mon cerveau : revoir Gabriel. Les livres de Théo Scarful, qui avaient été jusque là un pour moi un moyen de m'évader, ne m'étaient d'aucune aide étant donné que mon manque de concentration m'empêchait de dépasser la page douze. Je laissai donc ma dernière acquisition sur ma table basse. Et la situation n'était pas meilleure lorsque je me retrouvais à la librairie; le patron passait son temps à me rappeler à l'ordre et les clients se plaignaient de mon manque d'enthousiasme à les renseigner.
Un jour, alors que je rangeais des livres sur les rayonnages, une main se posa sur mon épaule :
-S'il vous plaît, jouez le jeu, vous me sauverez la vie.
Je me retournai aussitôt.
-Gabriel !
-Je suis content de voir que tu ne m'envoies pas promener.
-Je devrais pourtant. Tu avais promis de me laisser tranquille après la soirée du réveillon.
-Tu veux que je parte ?
-Non.
-Tant mieux, parce que j'avais vraiment envie de te revoir. Et tu dînes avec moi ce soir.
-Je n'ai pas le choix si je comprends bien.
-C'est ça. Chez toi à dix-neuf heures, ça te va ?
-C'est pas un peu tôt ?
-Non. Si je veux avoir le temps de préparer le repas avant demain matin, il vaut mieux que je ne vienne pas trop tard.
-Parce qu'on reste chez moi ? Évidemment... Je ne sais même pas pourquoi je pose la question. Tu ne me demandes pas si ça me dérange que tu viennes squatter ma cuisine ?
-Ça te gêne ?
-Oui. On ne vient pas chez les gens sans y avoir été invité.
-Alors invite-moi.
À cet instant, j'avais vraiment envie de refuser, mais la façon dont il me regardait m'empêchait de lui interdire quoi que ce soit.
-Bon, d'accord. Mais la prochaine fois, demande la permission avant d'imposer ta volonté.
-Il y aura donc une prochaine fois. Tu m'en vois ravi.
-Je ne parlais pas forcément de moi. Mais il faudrait vraiment que tu apprennes les bonnes manières.
-Je me moque de ce que tu as voulu dire, je préfère ce que j'ai voulu entendre.
-J'avais compris, merci. Et maintenant, si ça ne te dérange pas, j'aimerais pouvoir travailler.
-Alors à ce soir, Zac.
Ce soir-là, à dix-huit heures, je tournais en rond dans mon appartement attendant que la sonnette résonne. Pour une raison que j'ignorais - ou que je feignais d'ignorer plutôt - je m'étais habillé avec soin, choisissant les vêtements les plus élégants de ma garde-robe, me changeant plusieurs fois n'étant pas satisfait de ma tenue. Je me donnais l'impression d'être une de ces adolescentes stressées par leur premier rendez-vous. Quand la sonnette retentit enfin, je sautai littéralement sur la porte et l'ouvris vivement, comme si j'essayais de l'arracher de ses gonds.
-Étais-tu si impatient de me voir ?
-Non.
-Menteur.
-Je…
-Tu me laisses entrer ou est-ce que je passe la nuit sur le pas de la porte ?
-Oh, excuse-moi. Vas-y entre.
-Merci.
Une demi-heure plus tard, nous étions tous les deux en train de préparer le repas dans ma toute petite cuisine. La pièce était si étroite que nous ne pouvions pas esquisser un mouvement sans nous frôler. Mais ça ne me dérangeait aucunement. Au contraire. Il avait beau être insupportable, il m'attirait irrémédiablement.
-Tu peux me passer le pot de piment, s'il te plaît ?
-Quoi ?
-Le piment, s'il te plaît.
-Oh… Tiens.
-Merci.
J'ai toujours aimé cuisiner, mais le faire en compagnie de Gabriel était beaucoup plus agréable que quand je le faisais seul. Et le voir plonger son doigt dans la sauce et le porter à sa bouche pour le lécher me semblait érotique au possible.
-Tu as de la sauce au bord de la bouche.
-Où ?
-Attends, je vais te l'enlever.
Je ne réfléchis pas à ce que je faisais sur l'instant et me penchai vers lui pour effacer le reste de sauce d'un coup de langue.
-Zac…
-Chut, ne dis rien sinon je risque de changer d'avis.
-Qu'est-ce que…
Je ne le laisserai pas finir sa question et m'empressai de goûter ses lèvres sur lesquelles s'attardait le piment de la sauce.
***
Voilà près d'un an que je partage la vie de cet homme insupportable qu'est Gabriel. Étonnamment, c'est le fait qu'il puisse être vraiment pénible qui le rend aussi attirant à mes yeux. J'adore ses taquineries, qui bien qu'agaçantes, ne sont jamais méchantes. Je suis heureux qu'il soit aussi têtu qu'une mule, car sans ça, nous ne serions pas ensemble.
Nous avons emménagé ensemble il y a quatre mois dans un bel appartement doté d'une grande cuisine où les talents culinaires de mon compagnon peuvent s'exprimer librement. Je prends toujours beaucoup de plaisir à le regarder s'agiter au milieu des casseroles et autres marmites quand il cuisine les bons petits plats dont il a le secret.
D'ailleurs, à l'heure où j'écris ces mots, il prépare le dîner pour le Réveillon ; dîner qu'il m'a annoncé comme le meilleur repas de ma vie. Ce dont je ne doute pas; Gabriel est le plus talentueux cuisinier que je connaisse. Pour preuve, il exerce comme second dans le restaurant deux étoiles de son oncle alors qu'il n'a jamais étudié la cuisine.
C'est une chose dont je suis assez fier étant donné que c'est en partie grâce à moi s'il travaille avec son oncle. À moi et à Carmen sans qui je n'aurais rien pu faire. Ça n'a pas été simple de convaincre de se rapprocher du seul membre de sa famille - hormis sa sœur, bien entendu - à ne pas être complètement braqué au sujet de son homosexualité. Mais nos efforts ont porté leurs fruits et finalement, ils se sont reparlés après deux ans de silence.
Le rapprochement entre Gaby et sa famille est même allé beaucoup plus loin que nous n'avions osé l'imaginer. Ainsi, mon compagnon a accepté de parler avec ses parents et contrairement à ce qu'il croyait avant leur discussion, ceux-là n'étaient pas vraiment hostiles au fait que leur unique fils préfère les hommes. Bien sûr, ils avaient très mal pris l'annonce de son homosexualité et son père lui avait demandé de sortir de chez eux. Mais ils avaient compris qu'être gay ne faisait pas de leur enfant un être immoral malgré ce qu'on leur avait appris durant leur jeunesse. Il faut dire qu'à l'époque, ils vivaient dans une Espagne dirigée par les franquistes, peu réputés pour leur ouverture d'esprit. Finalement, ce qui les dérangeait le plus - et qui les dérange encore - c'était de savoir que Gabriel ne sera jamais père ; mais il y a Carmen pour leur donner des petits-enfants. La seule chose qu'il leur fallait, c'était du temps pour accepter la situation.
Moi qui ai toujours été seul, je ne le suis plus. Désormais, j'ai Gaby. J'ai enfin une famille.
Que pourrais-je rêver de mieux ? Rien, à part la promesse de nombreux autres Noël ensemble.